Teindre et tisser le coton

Beaucoup de groupements de femmes fabriquent des pagnes tissés de manière traditionnelle, c’est le “Faso Dan Fani”. Devenu une spécialité de femmes, le tissage traditionnel était au début une affaire d’hommes.

Les métiers à tisser anciens étaient fabriqués par le tisserand lui-même. Les bandes étaient étroites et les fils rarement teints (exceptés avec de l’indigo). La production était surtout pour la famille. On voit encore quelques métiers traditionnels, utilisés par des hommes.

 
Métier à tisser traditionnel à Bazoulé. Le tisserand creuse un trou afin de placer ses pieds
qui servent de pédales afin de changer la trame de sens et passer la navette.

  
Détail d’un métier ancien (village près de Fada n’Gourma)

Les fils étaient filés à la main avec une quenouille. Actuellement les fils sont achetés en ballot au marché ou chez des revendeurs. Les fils sont écrus et doivent être teints. Il existe encore des associations de femmes qui teignent leur fil avec des plantes :
– le bleu est obtenu avec l’indigo,
– le rouge avec l’écorce de Sorgho, ou l’écorce de kapokier rouge ou encore l’écorce du raisinier sauf qu’il faut faire bouillir l’écorce pendant des heures et on obtient alors un rouge orangé,
– le jaune est obtenu avec des feuilles de Siiga ou du bouleau (le N’galama)
– le vert est un combiné d’indigo, feuilles de Siiga avec un peu de potasse
– le brun avec des fèves de Néré
Mais ces teintures sont compliquées à fixer et tiennent mal au lavage. Les couleurs éclatantes que l’ont voit actuellement sur les tissus Faso Dan Fani sont le fait de teintures en poudre chimiques achetées au marché.

L’écheveau est placé dans une bassine où on a dilué la poudre, l’écheveau est mis à tremper dans une eau tiède, rarement chaude avant de mettre l’écheveau à sécher sur un fil.

Le métier de tisserand était essentiellement masculin uniquement fait pour la production familiale. Les femmes ne pouvaient utiliser ce type de métier à cause d’une position de jambes écartées. Les femmes ont conçu un métier vertical nettement moins pratique ; elles pouvaient tisser des bandes plus larges (50 cm) mais nettement moins longues. (Ce type de métier s’apprend encore dans les lycées techniques). Ce sont les missions chrétiennes qui vont mettre au point un métier métallique où les femmes peuvent tisser assises.
Les femmes vont petit à petite reprendre le tissage traditionnel à leur compte mais pendant des années la qualité et la quantité n’étaient pas au rendez-vous. Il a fallu l’intervention du chef de l’état Thomas Sankara en 1987 pour obliger la population à s’habiller exclusivement en Dan Fani pour que la filière se développe réellement. Les femmes vont s’organiser entre elles en coopérative. En 1984 se créé la COPAFO (Coopérative de production artisanale des femmes de Ouagadougou). Bien d’autres suivront. Des centres de productions vont voir le jour, aidés par le Ministère de l’Action Sociale ou le Ministère de la Femme. Les gouvernements suivants vont développer l’artisanat, notamment le SIAO (Salon International d’Artisanat de Ouagadougou) afin de faire une vitrine de l’artisanat africain pour l’étranger.

Ce métier est fabriqué sur place à la demande et il est livré avec un tabouret et les autres accessoires pour ranger les écheveaux. En 2021 on trouve un métier métallique pour 70 à 90 000 francs (110 euros à 150 euros).
La largeur de la bande tissée varie d’une femme à l’autre mais la moyenne tourne autour de 30 cm

Le gouvernement a subventionné plusieurs fois de grands métiers à tisser manuels dits “à navette volante” mais qui demandent une solide formation. Capable de tisser de grandes largeurs, ces métiers sont fabriqués en bois et non en métal. Ils sont organisés autour de tambours de bois, les motifs peuvent être mariés à l’infini et la tisseuse peut tisser avec 4 pédales et non deux. Ce tissage est semi industriel.

  
Métier classique pour la fabrication du Faso Dan Fani. La largeur moyenne d’une bande est de 30 cm
 
Grands métiers de l’association “La Grâce du Gulmu” à Fada n’Gourma

LE FASO DAN FANI

En 1996 est mis en place un Concours de la meilleure étoffe. En 2006, le gouvernement organise le salon des “Fibres et matières d’Afrique pour une mode équitable“.
Le Faso Dan Fani, d’un petit artisanat traditionnel, va glisser vers la Haute Couture grâce à des couturiers qui vont s’intéresser à cette fibre dont ils peuvent commander les motifs et les modèles.

Le Faso Dan Fani connait un net regain d’intérêt depuis plusieurs années. La qualité des couleurs et du tissage s’est nettement améliorée. Une bande tissée de couleur vive doit permettre de coudre un pagne et son écharpe (“un pagne et demi”), et il se vend entre 7500 et 10 000 francs.
Le gouvernement a fait de gros efforts pour favoriser cet artisanat, et le Président du Burkina Faso est lui-même habillé en habits cousus de Faso Dan Fani.
La journée des Droits de la Femme le 8 mars est l’occasion de donner beaucoup de travail aux tisserandes (ou “tisseuses” comme on dit au Burkina Faso”, même si la concurrence est rude avec les pagnes imprimés et surtout les pagnes imprimés venus de Chine, mais le pagne officiel de cette journée demeure le Faso Dan Fani depuis 2014.

Mais les lettres de noblesse sont venues de grands couturiers qui ont su être créatifs avec ce tissage et coudre des tenues pour hommes et femmes de forme moderne. Notons parmi les créateurs (surtout des hommes) François Premier qui privilégie le coton bio, et Salif C’ qui possède des boutiques dans plusieurs capitales africaines.

Le Faso Danfani se porte désormais dans les grands défilés de mode (Paris, New York, Dakar, Abidjan…) où défilent des mannequins habillés de tailleurs, robes longues : porter du Dan Fani c’est chic !
Le tissu est inclus dans des vêtements de cotonnade simple (chemises, t.shirts) comme motifs de décoration.



Vêtements conçus par Salif c’

Témoignage de Salif c’ Styliste :
Je travaille avec le pagne tissé depuis très longtemps, mais je le mélange avec d’autres tissus. Depuis plusieurs années j’ai une folle envie de valoriser le Dan Fani. Je voyage beaucoup pour les défilés de mode ; j’ai visité de nombreux pays et je m’aperçois que les gens ne connaissent pas ce tissu. Par contre chaque fois que je présente un vêtement avec du Dan Fani, cela révèle l’originalité de la pièce.
Je trouve que c’est vraiment une richesse que le Burkina Faso détient autour de ce tissu. J’invite les créateurs à s’investir dans cette matière : vêtements, accessoires, pièces d’ameublement. C’est une très bonne matière, l’étoffe est très belle.”

Copyright photos : A et B Chalamon, JP Fouilloux, O. Ouarma, N. Schmeltz, S. Natama, F. Belem, Salif c’. Renseignements : Oumar Ouarma, Abdoulaye Wanga