Les masques traditionnels

Les masques font partie intégrante des sociétés traditionnelles au Burkina Faso, à l’exception de certaines ethnies (comme les Lobi et les Dagara). Ils rythment la vie des personnes qui vivent en brousse, sortant soit de manière secrète soit au grand jour suivant les évènements habituels (comme la fin des récoltes) ou des évènements comme les rites initiatiques. Nous verrons ici une présentation globale des masques d’Afrique de l’Ouest en général et burkinabè en particulier.

Le masque représente un système de relations entre les hommes et Dieu : il rythme les différentes étapes de la vie et les traditions saisonnières. Chaque ethnie possède ses rites propres.
Les masques sont gérés par une société de masques – sorte de confrérie – qui possède ses règles et ses appellations propres : suku (ethnie Mosse), Do (Bwaba et Bobos), Awa (Dogon), Su (Nuna, San) etc….
C’est un objet de culte et donc sacré ; le porteur du masque cesse d’être lui-même pour incarner un ancêtre tutélaire et un génie reconnu par l’ethnie. On le voit toujours accompagné de danses et de chants avec un accompagnement musical : un ou plusieurs balafons et divers instruments spécifiques à l’ethnie.

La tête du masque est faite de bois sculpté, souvent d’une seule pièce, avec trois couleurs de base : le blanc, le noir et le rouge. On appelle ça le masque de tête. Il est accompagné d’un costume imposant fait de fibres colorées teintes (surtout chez les Nuni). Ce costume peut peser jusqu’à 50 kg : on l’appelle le masque de corps.

Ces masques – à de rares exceptions près – allient un ou plusieurs animaux reconnus par l’ethnie pour ses vertus de courage, de prudence, de ruse … et ces masques vont agir comme médiateur entre l’homme et les esprits.

LES FONCTIONS DU MASQUE

Bien que considéré comme sacré, le masque a des fonctions multiples :

  • La fonction religieuse. Ce masque est le réceptacle d’une puissance invisible. Ainsi il va aider l’homme dans ses différentes requêtes. Le masque peut être alors déposé dans la maison comme  un autel. Il devient alors un fétiche à qui toute personne du village peut se confier dans le but d’obtenir la réalisation de son projet ou de sa demande. La personne dans le besoin se rend chez le gardien du masque pour présenter tous ses problèmes pour gagner l’intercession de la divinité afin d’exaucer ses voeux ou régler son problème. Si la personne a été satisfaite de sa requête, le masque peut recevoir des sacrifices : poules, chèvres, dolo et même parfois boeuf suivant l’importance de la demande.
  • La fonction économique. Les masques permettent d’avoir de bonnes récoltes. Ils interviennent pour apaiser la colère des dieux lors de catastrophes naturelles. C’est ainsi que l’on célèbre le culte des masques chaque année, au moment des récoltes et/ou après celles-ci. Ils vont être remerciés pour les bonnes récoltes et ils vont être sollicités pour que le prochain hivernage puisse donner de meilleures récoltes.
  • La fonction sociale. Ces masques sont un facteur évident d’unité sociale, dans la mesure où ils agissent pour rassembler et lier le village. Ainsi ils protègent les vieillards, ils rendent les femmes fécondes…. Toutes les sorties de masques donnent l’occasion à toute la communauté de se rassembler. Tous les clivages, toutes les différences sont abolis au profit de la reconnaissance de valeurs communes. Parfois, certaines cérémonies ponctuelles comme des funérailles ou des fêtes commémoratives, entraînent le déplacement de masques conservés dans des villages voisins ou plus lointains. C’est alors l’occasion de rassemblements plus importants entre villages qui entraînent des réjouissances pour toute une ethnie. C’est l’occasion de grandes fêtes avec musique, danses, chants, jeux….
  • La fonction politique. Le groupe des gardiens des masques est différent de ceux qui détiennent le pouvoir comme les rois et les chefs coutumiers. Lors de la sortie d’un masque, ce dernier a une prépondérance sur le pouvoir en place, il utilise alors ce moyen de pression.Le masque veille au respect de l’ordre, à la sécurité de toute la communauté, à l’intégrité des valeurs morales et sociales. Pendant toute la durée de la sortie du masque c’est lui qui dirige toute la communauté. Tout conflit entre individus ou familles sera banni sous peine d’être impitoyablement réprimé.

LES ORIGINES DU MASQUE

Les traditions racontent que les masques ont une origine divine.

  • La voie céleste. Le masque est descendu du ciel. Ce sont les ethnies Mosse et Nuna qui expliquent l’origine des masques comme provenant des voies célestes. Ces mythes parlent de chasseurs découvrant des êtres dansant la nuit avec des masques. Ces êtres disparaissaient à l’aube. Ces personnages tenaient sur terre grâce à un fil qui les reliait au ciel ; le chasseur coupait ce fil pour ramener ces êtres au village (chez les Mosse).
    Autre tradition : c’est un enfant qui assiste à l’apparition d’un masque descendant d’un nuage, masque dont l’enfant se saisit pour le ramener au village. Ces mythes racontent les premiers masques de ces sociétés et cela leur donne une grande importance vis à vis des autres masques arrivés plus tardivement.
  • La voie des génies. Ces masques ont été donnés par les génies. Ces masques ont été trouvés dans la brousse par les villageois. Ces masques répondent aux questions de ceux à qui ils se sont manifestés. Ils conservent une force divine même si on les affecte à d’autres utilisations.
  • La voie du rêve. Ces masques sont découverts à  la suite d’un songe ou d’une apparition. Le masque choisit une personne, un homme, à qui il va se révéler dans un certain contexte. Seul le devin peut interroger les esprits concernés pour comprendre et accepter la création d’un nouveau masque. Les génies vont identifier ce nouveau masque en donnant aux humains les éléments du culte le concernant.
    Rêver d’un masque revêt une importance énorme dans la vie d’un homme, quelque soit son niveau social.

Ces masques sont les plus anciens et leur forme ne peut être modifiée car sacrée. Ils sont dénommés “Wanki” chez les Nuna. Alors que chez les Bwana-Wané, les masques sont créés pour les jeux et les distractions. Dans ce cas, les formes peuvent évoluer..

Une autre possibilité : créer un masque de toute pièce. Le sculpteur va se laisser guider par ses aspirations les plus profondes en suivant les voies sacrées à travers les coutumes de son village pour réaliser ses voeux. L’objet terminé deviendra alors sacré. Cette solution a permis à certains villages dépourvus de masques, de pouvoir en posséder.

Les sociétés de masques gardiennes de ces traditions, transmettent leur savoir et leur pouvoir par le biais de l’initiation. Dans les écoles des masques, l’initiation se déroule en plusieurs étapes. On y dispense les connaissances relatives à l’origine de chaque masque, mais également on apprend les interdits, les cycles des fêtes, la manière de fabriquer un masque avec la préparation des couleurs, le choix des fibres etc… jusqu’à la manière de porter ces masques et le costume avec les danses qui accompagnent les sorties.

Masques ! Ô Masques !
Masque noir, masque rouge, vous masques blanc et noir
Masques aux quatre points d’où souffle l’Esprit
Je vous salue dans le silence !
Et pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion.
Vous gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se fane
Vous distillez cet air d’éternité où je respire l’air de mes Pères.
Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de toute ride

Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l’autel de papier blanc
A votre image, écoutez-moi !
Voici que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une princesse pitoyable
Et aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril.
Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l’on commande
Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement.
Que nous répondions présent à la renaissance du Monde
Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche.
Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons ?
Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore ?
Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventés?
Ils nous disent les hommes du coton du café de l’huile
Ils nous disent les hommes de la mort.
Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur.

Léopold Sedar Senghor, Prière aux masques, Chants d’ombres, 1945

(Crédit photos : A. Chalamon, Ras Simposh)