Musique : une classification africaine

L’université a depuis longtemps classé les instruments de musique en 4 parties distinctes : les aérophones, les cordophones, les membranophones et les idiophones.
C’est cette classification qu’a choisi le musée national de la musique de Ouagadougou.
Mais les instruments de musique en Afrique n’ont pas la même finalité, loin d’être un art uniquement d’agrément, les instruments de musique sont surtout des messagers, d’où une classification nettement différente.

Si de nombreux instruments traditionnels sont actuellement repris par les groupes ou chanteurs de variétés modernes afin de les accompagner, l’origine de ces instruments ne répond pas à cet art d’agrément que l’on trouve en Occident.
Tous les instruments de musique délivrent un message : agréable, désagréable, agressif, de près, de loin….. Ces messages, encore maintenant, sont parfaitement compris par la population. Chacun des messages correspond à un instrument de musique différent.

C’est la classification qu’a adopté le Musée d’Hier et d’Aujourd’hui de Bobo Dioulasso.

LA MUSIQUE D’ICI, DE LA-BAS ET POUR LA-HAUT

Les instruments de musiques correspondent à chaque moment de la vie ; chaque problème et chaque étape correspondent à un instrument et une musique prédéterminée. En Afrique, la musique et donc les instruments de musique, sont au service de la communauté et de la vie. Sa fonction principale est d’exprimer et de consolider les traditions, les croyances et les drames ou bonheurs de la vie.


Certains instruments sont utilisés pour communiquer dans le village même : on y trouve des instruments légers des petits tambours qui ne portent pas loin, les instruments à corde, le balafon etc… c’est la musique “d’ici”.

D’autres instruments sont utilisés pour communiquer plus loin : les chasseurs et bergers avec leurs sifflets ou flûtes, et surtout les gros tambours qui portent loin. Certains tambours sacrés – comme chez les Gan – ne sortent que pour des raisons graves. Un tambour Gan n’est frappé qu’en cas de de problèmes graves et – paraît-il – s’entend à 40 km. Il aurait été joué lors de la venue des colonisateurs afin de prévenir les autres villages du danger. Les autres villages reconnaissent le message selon le choix du tambour et surtout la frappe du tambourinaire.  C’est la musique de “là-bas”.

Une dernière catégorie d’instruments de musique concerne les relations de l’homme avec l’au-delà ; ils sont utilisés par certaines personnes pour entrer en contact avec le fétiche, comme des petites cloches, certaines calebasses, des grelots…. C’est la musique pour “là-haut”.


Un même instrument de musique peut avoir des significations différentes suivant les ethnies. Il peut être instrument de communication chez l’un et simple accompagnateur d’une fête chez l’autre.

Certains instruments comme le bendre représentaient le pouvoir. Joué uniquement par le griot, il servait à égrener les identités de la généalogie des empereurs chez les Mosse. Ces mêmes griots avait également pour rôle de transmettre des informations importantes émanant de la cour royale pour les populations. Lorsque l’empereur décédait, on crevait la peau du tambour.

Les communautés se rassemblent régulièrement pour des fêtes qui obéissent à des rituels symboliques, culturels, ou religieux. On l’utilise pour la gestion de conflits, fêter la fin des récoltes, les naissances et les mariages, les funérailles, la fin de l’initiation etc… Les instruments de musique sont alors joués et diffèrent suivant les situations. Chez les Dagara le balafon est très important lors de funérailles et toutes les lattes de l’instrument ne sont pas frappées à ce moment-là.

La musique est indissociable de la danse et du chant. Les chants sont improvisés avec un meneur et surtout une meneuse, suivant certains thèmes et revendications. Les danses sont codifiées suivant les ethnies et suivant les situations, ces danses et cette musique sont des supports de communications non verbales.

Si les villages de brousse perdurent dans ces traditions, les villes ont repris les instruments de musique dans un but d’agrément. Ils accompagnent les chants et les danses. Les artistes de variété ont repris à leur compte les tambours d’aisselle, le balafon, les flûtes et même l’arc à bouche grâce à Tim Winsey qui l’a remis au goût du jour.

Les instruments en brousse ne sont pas joués par n’importe qui (le bendre est pour le griot, le balafon est joué par des hommes même dans une église catholique) mais en ville les schémas ont bougé et il n’est pas rare de voir un groupe de femmes danser au son du bendre joué par l’une d’elles.

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(Crédit photos : A. Chalamon – merci au Musée national de la musique à Ouagadougou et au Musée de la musique d’hier et d’aujourd’hui de Bobo Dioulasso. 2014)