Le cimetière des anciens combattants

Le cimetière des anciens combattants se trouve à Batié, capitale de la province du Noumbiel dans la région Sud-Ouest du Burkina Faso. Le Noumbiel est une province à la forme étroite  coincée entre le Ghana et la Côte d’Ivoire qu’on sur nomme “l’orteil du Burkina Faso”. Actuellement la province est peuplée de 200 000 habitants mais il y a quelques décennies, le Noumbiel était une province de garnison et les militaires étaient basés à Batié.

Chargée de surveiller les frontières situées à quelques kilomètres à peine, la garnison était importante du temps de la colonisation. En 1932, la Haute Volta est démantelée : la partie Nord et le Nord Ouest du pays sera annexée au soudan Français (actuellement le Mali). Le Niger récupèrera le Liptako et l’Oudalan ; les deux-tiers du Sud de la Haute Volta deviendront la “Haute Côte d’Ivoire”. Batié abritait alors le commandement militaire du secteur : la frontière du Ghana (alors Côte d’Or) étant une colonie anglaise toute proche.
Il ne reste presque rien de cette période, hors mis la résidence du Haut-Commissaire de Batié, ancienne résidence du commandant de la garnison (qui était français), et il reste ce cimetière qui était dévolu aux combattants tirailleurs sénégalais dans lequel on trouve de nombreux ressortissants de l’actuel Burkina Faso.

Le cimetière se trouve au bord de la ville de Batié :
les tombes sont envahies de buissons et sont dans un état préoccupant

Le cimetière se trouve dans un bois de teck au bord d’une des grandes pistes qui mènent à la ville ; non loin du maquis “Bar vla Baar“. Ce cimetière est peu connu des habitants qui le confondent avec le cimetière moderne. Le cimetière des anciens combattants est dans un grand état d’abandon, envahi par les buissons et le teck, envahi aussi par les enfants qui s’amusent avec les tombes.
Plusieurs projets ont été annoncés par la municipalité : construction d’un mure de clôture, réhabilitation des combes etc… en 2013, il est encore ouvert à tous les vents. Les tecks poussent dans les tombes, de nombreux tumuli sont brisés et de nombreuses plaques d’identifications ont été volées.

Le cimetière se présente sous la forme d’une quarantaine de tombes disposées en plusieurs rangées parallèles. Les tombes sont toutes fabriquées sur le même modèle : un rectangle d’environ 1 mètre de long, bordé de pierres de latérites taillées en carré. Sur une des largeurs, on trouve posé sur la terre un tumulus en terre crue d’environ 50 cm de hauteur, recouvert d’une couche fine de ciment que lequel est cimentée une petite plaque émaillée (en cercle ou en forme de coeur) d’environ 10 cm de diamètre, donnant le nom, le matricule et la date du décès du soldat. Suivant le type de plaques ; les renseignements donnés diffèrent sauf le nom, prénom et date du décès du soldat.

Certains sites internet font état de tombes sur place comportant des noms de fonctionnaires français : en 2012, tous les noms des plaques sont des soldats africains d’Afrique de l’Ouest ce qui pourrait indiquer l’état de la dégradation et des vols des plaques. Néanmoins dans un coin du cimetière, plusieurs tombes récentes montre la continuité du cimetière dans l’habitude d’y enterrer ses morts. Mais la municipalité a interdit toute inhumation au profit d’un autre cimetière installé sur une colline avoisinante.

Les dates gravées sur les plaques font uniquement état des années trente. La plus ancienne remonte à 1930 et la plus récente date de 1938 (hormis les tombes du XXème siècle). Il s’agit donc de la période coloniale, et plus exactement au moment où la Haute-Volta était démantelée (elle ne sera reconstituée qu’en 1947).

Beaucoup de plaques manquent car les tumuli ont été détériorés. Mais dans celles qu’on peut encore trouver en 2012 ; on peut noter trois genres différents :

  • des cercles de métal bordé de la mention “souvenir français”.
  • les coeurs émaillés (les plus nombreux)
  • une seule plaque formant un demi-cercle

Une seule plaque donne l’année de naissance du soldat (1902) mais n’oublions pas que la notion de date de naissance n’a pas grande importance en Afrique de l’Ouest.
La majeure partie des soldats sénégalais était tirailleur sauf deux gradés sous-officiers : un sergent-chef et un brigadier-chef, ainsi qu’un  grade plus surprenant “interprète 4ème classe”.

LISTE DES PLAQUES

Cette liste n’est pas exhaustive car il est compliqué de se retrouver dans le cimetière tant il est envahi. Certaines plaques ont été arrachées, d’autres sont très abîmées rendant la lecture difficile.

  1. Brigadier-chef des gardes Ambaguissi Ouologue, décédé le ? octobre 1930
    plaque circulaire non émaillée, bordée de la mention “souvenir français”.
  2. Tirailleur 1ère classe Zan Couroubary, matricule 2562, né en 1902
    décédé le 25 avril 1933
    plaque émaillée en forme de coeur.
  3. Tirailleur Bakary Koné – matricule 86 243, décédé le 10 avril 1937
    plaque émaillée en forme de coeur.
  4. Sangaboni Kaboré – matricule 39 148, décédé le 30 juillet 1937
    plaque émaillée en forme de coeur.
  5. Tirailleur Noraogo Kaboré – matricule 12 164 – décédé le 29 octobre 1937
    plaque émaillée en forme de coeur.
  6. Tirailleur Sy Baro – matricule 19 935 – décédé le 19 février 1938
    plaque émaillée en forme de coeur.
  7. Interprète 4ème classe Bouba Dembele – décédé le 13 mai 1936
    Plaque dans un cercle de métal entouré de la mention “souvenir français”.
  8. Tirailleur Tipité Kambou – matricule 75 141 – décédé le 27 juin 1930 (ou 1936)
    plaque émaillée en forme de coeur.
  9. Tirailleur ?iorperate Palé – matricule 82 986 – décédé le 10 septembre 1938
    plaque émaillée en forme de coeur.
  10. Tirailleur Digouré Palé – matricule 27 777 – décédé le 23 mars ?
    plaque émaillée en forme de coeur.
  11. Tirailleur Tamsou Mda – amtricule 14 139 – décédé le 15 janvier 1931
    plaque émaillée en forme de coeur.
  12. Tirailleur Djibrila Ga – matricule 57 070 – décédé le 15 octobre 1930
    plaque émaillée en forme de coeur.
  13. Tirailleur 2ème classe Moussa Diallo – décédé le 19 juillet 1930
    plaque circulaire en métal bordée de la mention “souvenir français”.
  14. Tirailleur Sinleté Dol? – matricule 48 898 – décédé le 18 novembre 1930
    plaque émaillée en forme de coeur.
  15. Tirailleur Outbila Z….? – matricule 53 421 – décédé le 7 mars 1930
    plaque émaillée en forme de coeur.
  16. Tirailleur Diorfé Kambou – matricule 15 747 – décédé le 16 décembre 1939
    plaque émaillée en forme de coeur.
  17. Tirailleur Bé Sou – matricule 17 721 – décédé le 19 février 1930
    plaque émaillée en forme de coeur.
  18. Sergent-chef Gouba Taraore – décédé le 16 avril 1934
    plaque métaillique en forme de demi-cercle.
  19. Tirailleur Tipité Kambou – matricule 75 141 – décédé le 27 juin 1936
    plaque émaillée en forme de coeur

(Crédit photos : A. Chalamon – Visite réalisée en 2012)