Funérailles en pays dagara

Parler de funérailles par ces temps qui courent fait penser au Covid19 et à la réalité de la vie humaine : on est de passage sur cette terre. Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’essayer de découvrir le mystère qui se cache derrière la mort, en milieu dagara particulièrement, dans le Sud-Ouest du Burkina, et les funérailles qui accompagnent chaque défunt.
Plusieurs interviews et articles ont déjà été réalisés à ce propos. Ce présent article ne vise pas à être exhaustif mais à susciter la curiosité à l’égard de ce peuple et à le comprendre davantage.

UN MOMENT DE PHILOSOPHIE DE LA VIE

Les Dagara, pour ce qui concerne l’histoire récente de ce peuple, sont répartis au Sud-Ouest du Burkina Faso et au Nord-Ouest du Ghana. Ce qui fait que toute similitude de rites funéraires ne serait que normal.
Il ne se passe pratiquement pas de jours sans qu’il n’y ait de funérailles en pays dagara dans différents villages. Mais que se passe-t-il quand un Dagara meurt ?

Selon que l’on est enfant, femme ou homme, les rites funéraires diffèrent mais demeurent nécessaires pour que le défunt rejoigne le “kpimè-têw” ou “pays des Ancêtres”. Car pour le Dagara, l’univers comporte deux dimensions : le monde invisible (monde des esprit ou bu bè gnèri) et le monde visible (bu gnèri). Le sort final donc du défunt dépend des funérailles qu’on lui aura faites.

Il existe encore un lieu, au Ghana, où l’on peut parler directement au défunt.

Pour la célébration proprement dite des funérailles, les rites dépendent d’un sous-groupe à un autre (dagara-lobr, dagara wile, birifor), d’un village à un autre, d’une lignée à une autre, d’un âge à un autre, d’un sexe à un autre avec cependant quelques points communs : l’exposition du corps du défunt généralement sous un catafalque ou trône du défunt.

Pendant les funérailles (trois jours généralement et on enterre le défunt au troisième jour), les cantateurs, mêlant proverbes et devises claniques, rendent un hommage au défunt non sans fustiger les écarts de conduite du défunt de son vivant et de sa famille.

Selon Constantin Gbãanè Dabire, ce moment constitue “un rite de lamentations et de pleurs accompagné de danses“. Ce moment est réputé être un moment de grande philosophie de la vie chez les Dagara. Les principaux instruments de musique sont alors le balafon (instrument cousin du xylophone) ou Jil et un membraphone sur calebasse ou kuor.
Mais avant d’en arriver là, l’annonce du décès se fait de plusieurs manières : pleurs, cris et cendre, messager.

Les mânes des ancêtres seront cependant consultés pour savoir s’il s’agit d’une mort naturelle ou pas,et procéder à une “réparation” si nécessaire. Il existe encore aujourd’hui un lieu (au Ghana) où les parents du défunt peuvent se rendre pour interroger le défunt lui-même sur la cause de sa mort (géomancie).
Enfin ce sont les fossoyeurs, initiés, qui vont se charger de l’enterrement du défunt après les derniers rites.

En bref, les funérailles sont d’une importance capitale pour cette frange de la population  burkinabè et ghanéenne.
Il y a beaucoup d’écrits sur cette étape de la vie terrestre. Le plus complet est réputé être : “Koroza Dagara kuor yele“, fruit de recherche entre chercheurs burkinabè et ghanéen mais disponible uniquement en langue dagara dont la traduction n’a pas encore vu le jour.

BIBLIOGRAPHIE

  • Gbaanè Dabire, Constantin (1983). “Nisaal, l’homme comme relation” , tome 1, thèse présentée à l’Ecole des gradués de l’Université de Laval pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D.).
  • Gbaanè Dabire, Constantin (1978), “BuÔ nyirè ni buÔ-bi-nyiri. Le visible et l’invisible. Une interprétation de la mentalité animiste en guide de contribution à l’entreprise philosophique universelle.” Grand Séminaire de Koumi, Burkina Faso.
  • Goody, J. (1962). “Death, Property ans the Ancestors. A study of the Mortuary Customs of the LoDagara of West Africa“, Stanford University Press.
  • Somé, D. et J.M. Bekuonè (dir.) (1976). ” Jalons pour une ethnomusicologie dagara“. Enquêtes livrées par une équipe de chercheurs, sous-commission de mlusique sacrée, Diébougou, Diocèse de Diébougou.
  • Bibliographie sur les Dagara. Cliquer ici
  • Vaulay, David. “Musique et funérailles chez les dàgàrà-Lôbr du Burkina Faso“. Voir ici
  • Lefaso.net, article du 15 avril 2010 : “Funérailles Dagara : Mythe et réalités

Article écrit par Yiéroséo Kus
Crédit photos : A. Chalamon