Toriyaba

Le cheval

Le cheval est omniprésent dans la culture du Burkina Faso. Il accompagne depuis toujours les chefs et leurs hommes et occupe une place privilégiée.
Emblème national du pays, son nom est synonyme du pays : l’équipe nationale de football “les Etalons”, symbole du festival de cinéma le FESPACO dont le prix principal s’intitule “Etalon d’or”, personnage mythique du mythe fondateur du pays (avec la princesse Yennenga) : il est présent dans une grande partie du pays.
On dit qu’il amène le bonheur et la protection à celui qui en possède un, il devient source de fierté et de respect pour son propriétaire. On raconte qu’un cheval équivaut à la prise en charge de deux femmes ! Inhérent au Burkina Faso, le cheval fait partie intégrante du pays, surtout dans la culture des Mosse, ethnie la plus importante du pays.

LE MYTHE FONDATEUR

LA PRINCESSE YENNENGA

Autour des années 1200, le Royaume du Dagomba des Mosse (Nord du Ghana actuel) avait pour capitale la ville de Gambaga.
Le roi du Dagomba s’appelait Nédéga. Son royaume était prospère mais il était régulièrement attaqué par les peuples voisins, surtout les Malinkés qui habitaient plus au Sud. Le roi les combattait avec vaillance et sortait toujours victorieux des combats. Il était en effet formidablement aidé par sa fille la princesse Yennenga qui était une amazone sortant de l’ordinaire. Elle vivait comme un homme, montait à cheval mieux que ses frères et mieux même que les guerriers de son Père le roi. Elle savait admirablement se servir de ses armes et foudroyait ses ennemis de sa lance. Elle les transperçait des flèches de son arc. On dit même que son arc pouvait porter deux flèches qui pouvaient tuer deux ennemis à la fois. C’était Yennenga qui menait l’armée de son père au combat.

La princesse Yennenga était si précieuse à son armée et à son père que ce dernier refusait de la marier, sa mère la reine Napoko souffrait beaucoup de cette situation. Un jour, le royaume fut une fois de plus attaqué par les Malinkés. La princesse rassembla son armée et décida de contre-attaquer et parvint à capturer le chef des ennemis.

Sur le chemin du retour, le cheval de la princesse s’emballa et l’emmena jusqu’au fleuve Nakambé (Volta) très loin de Gambaga. L’affolement du cheval le fit tomber dans la rivière avec la princesse. A ce moment un chasseur de fauves qui habitait le coin, entendit les cris et sauva Yennenga. Ils’appelait Rialé. Ce dernier tomba sous le charme de la princesse. De leur union naquit un garçon qu’ils décidèrent de nommer “Ouedraogo” ce qui signifie “cheval mâle” ou “Etalon” en souvenir du cheval qui permit leur rencontre. De retour dans le royaume Dagomba, le roi les reçut à la cour.

Lorsque le jeune Ouedraogo demanda à quitter le royaume, le roi son grand-père lui fit don de boeufs, moutons, chèvres et lui attribua plus de 300 sujets : serviteurs et soldats. Il se dirigea vers le sud du Burkina pour fonder le royaume de Tenkodogo. Ouedraogo eut à son tour deux fils (des Nakomsé) : Naaba Rawa et Naaba Zoungrana.
Naaba Rawa se dirigea vers le Nord d’où il chassa les Dogons qui migrèrent vers le Mali et créa le royaume du Yatenga avec pour Capitale Ouahigouya. Le second resta dans le royaume de son père et le consolida. Un cousin de Ouadraogo, Diaba Lompo, partit vers l’Est pour créer le royaume du Gourma.
(Sources diverses dont “l’Etalon de Yennenga“).


Reconstitutions au musée de Manega et au musée de Kaya

Plusieurs versions diffèrent dans les détails. D’après les uns, la princesse Yennenga serait volontairement partie de chez son père. Pour d’autres le cheval se serait emballé lors d’une razzia chez les Bonsancé. La rencontre avec Rialé se serait faite en brousse et non dans le fleuve etc…

Jadis, la tradition voulait qu’à chaque disparition du Naaba de Ouagadougou : une de ses femmes et des chevaux étaient sacrifiés pour l’âme de Yennenga.

LA CEREMONIE DU FAUX DEPART

Chaque vendredi matin à Ouagadougou, au palais du Mogho Naaba, on peut assister à la céremonie du faux départ. L’histoire remonte à plusieurs siècles lorsque le Mogho Naaba voulut partir pour Ouahigouya à cheval pour guerroyer contre un de ses proches qui lui avait volé les instruments royaux. Sa femme et son entourage l’ont dissuadé en arrêtant son cheval.

Depuis lors, chaque vendredi, devant le palais du Mogho Naaba, on sort le cheval du Naaba caparaçonné, en présence de sa cour et de ses ministres. Le Mogho monte sur le cheval pendant qu’un proche pose la main sur le cheval pour l’empêcher de partir.


Le Mogho Naaba et ses ministres lors de la Grande Parade du cinquantenaire en 2010

LES DIFFERENTES RACES

Il n’existe pas de race originaire du Burkina Faso. La plupart des chevaux proviennent de l’Afrique de l’Ouest voire du Maghreb. en général les chevaux que l’on rencontre au Burkina Faso sont robustes et plutôt petits.

LE BARBE. C’est un cheval originaire d’Afrique du nord. C’est une très ancienne race, traditionnellement associée au peuple berbère. C’est un cheval plutôt court de taille (1,50 m au garrot) robuste, parfaitement adapté au climat. Il peut être métissé avec des chevaux arabes pur sans. C’est le cheval le plus répandu au Burkina Faso.

LE CHEVAL DU FLEUVE. Ce cheval est originaire du Sénégal mais on le rencontre dans toute l’Afrique de l’Ouest. C’est un croisement entre le barbe et un poney de race locale. C’est un cheval de selle à l’origine du Fouta.

LE FOUTA OU FOUTANKE. C’est une race de cheval de selle légar originaire du Sénégal dont on peut distinguer deux types : le cheval du fleuve et le Mbayar.

D’autres chevaux viennent du Niger. On les reconnait à leur grande taille (1,65m au garrot).


Cheval à Dori

L’ALIMENTATION

Les chevaux sont nourris avec du son de maïs ou de blé. Pour qu’ils soient en forme, on leur donne également du mil et de l’herbe de différentes variétés (sèche ou fraîche) selon les saisons et l’état des réserves. On leur donne aussi des feuilles d’arachide mais en petite quantité.

L’ART DU CHEVAL

La voltige. Cette discipline consiste à exécuter des figures acrobatiques avec un ou plusieurs  chevaux lancés au galop. Elle peut être présentée seule en démonstration ou incluse dans un spectacle avec mise en scène.
Cette discipline se pratique depuis une vingtaine d’années sur des chevauèx lancés en pleine vitesse en ligne droite. Les cavaliers pratiquant cette discipline sont nommés : “guerriers”. On la met à l’honneur chez le Mogho Naaba lors de grandes fêtes religieuses ou lors des ouvertures de grandes manifestations.

D’autres figures plus classiques : debout sur le cheval, au milieu de deux chevaux ou bien encore le ping-pang qui consiste à descendre d’un côté, taper par terre, repasser de l’autre côté du cheval, taper à terre, et repasser de l’autre côté…

TRADITION VIVANTE

De nos jours, les éleveurs de chevaux se trouvent essentiellement les Peuls, les Touaregs et les Gourmanchés. C’est dans le Sahel (près de Gorom-Gorom) qu’on rencontre le plus de chevaux. Les hommes se déplacent souvent sur leurs chevaux et se rencontrent deux fois par an afin de rivaliser d’adresse. Le cheval est considéré comme un membre de la famille. Par contre le cheval est totalement inconnu dans le Sud et le Sud-Ouest.

ACTUALITE DU CHEVAL

Le cheval est mis à l’honneur chaque année au FECHIBA (Festival Culturel et Hippique de Barani) qui a fêté sa dixième édition en 2010. Cette manifestation a lieu un mois aprèus les fêtes de la Tabaski et dure deux jours.
Les cavaliers donnent à peu près trois heures de spectacle devant la cour du chef pour montrer leur savoir-faire et prêter allégeance au chef suivant une ancienne coutume. Les chevaux dansent au son des tam-tams et des coups de fusils traditionnels tirés par les chasseurs Dozos.

Sinon des courses hippiques sont organisées de façon informelle par les propriétaires de chevaux réunis en association, chaque dimanche à l’hippodrome de Ouagadougou. Chaque année on organise une grande course. On trouve même les paris mutuels (le “PMU’B“) entre autre avec l’hippodrome d’Hambdalaye. Le PMU burkinabè existe depuis plus de 20 ans avec le soutien et l’aide du PMU parisien. Il est géré par la LONAB (Loterie Nationale du Burkina). Les Burkinabè sont de bons parieurs et suivent les courses de Vincennes et de Cagnes-sur-Mer, on trouve les kiosques du PMU’B un peu partout en ville.


La Garde Nationale du Burkina Faso lors de la Grande Parade du cinquantenaire le 11 décembre 2010

LA FAMILLE DERME

Difficile de parler d’art équestre au Burkina Faso sans évoquer la Famille Dermé qui reste encore actuellement la référence du cheval au Burkina Faso. Cette famille est originaire du Mali. Le Mogho Naaba l’a appelé il y a plus de 60 ans pour sa connaissance du bronze. Les Dermé sont venus s’installer à Ouagadougou et le Mogho Naaba leur a donné le quartier de Niosin (quartier des bronziers).
Cette famille – en plus de sa connaissance du bronze – était une famille de tradition équestre. Le grand-père Issaka Dermé, était connu comme un maître du cheval au Burkina Faso. Il possédait de nombreux chevaux et remportait souvent les grandes courses. Il était capable de soigner les chevaux là où les vétérinaires échouaient.

Un de ses fils – le Grand Mardi Dermé – est une figure emblématique du cheval : dresseur, grand cavalier, il a toujours impressionné la foule pour sa façon de communiquer avec l’animal. Cette tradition du cheval est actuellement perpétuée par le Petit Madi Dermé également dresseur, grand cavalier, voltigeur, formé aux arts équestres par sa famille mais également par le Centre des Arts Equestres et du Cirque de Valérie Fratellini.
Au Fespaco 2011 ; les organisateurs ont fait appel aux deux Madis. L’un d’eux est venu spécialement de Pau en France où  il travaille dans un haras de chevaux de course.

A chaque manifestation nationale importante; le cheval est toujours mis à l’honneur : FESPACO, SIAO, SNC….

Article réalisé avec l’aide de beaucoup de monde mais particulièrement avec l’association l'”Etalon de Yennenga” de Ouagadougou – Facebook : voir ici

Crédit photos : A. Chalamon – l’Etalon de Yennenga

Quitter la version mobile